Le business plan, meilleur ennemi du créateur d'entreprise?

Publié le 5 Juin 2012

Lucien Etzlinger, CEO et membre fondateur de TradeYourMind, a déjà quelques années d'expérience en tant qu'entrepreneur et plusieurs entreprises crées et/ou dirigées.
A l'occasion de la recherche de financement pour TradeYourMind il a été amené à devoir réaliser ce à quoi tout créateur d'entreprise est confronté un jour ou l'autre: la rédaction d'un business plan. Voici donc un éclairage intéressant sur cet exercice peu évident.

Business Plan, les clés pour réussir sa rédaction

Le business plan est un outil incontournable dans le domaine de la création d’entreprise et de la demande de financement. «Avez-vous un business plan?» est la question posée à chaque créateur, que ce soit par un investisseur, un financier ou même accompagnateur.

 

Le Business Plan est-il vraiment si utile ?

En consultant sur internet un projet de recherche réalisé par HEC Montréal, j’ai pu découvrir quelques éléments frappants:

  • seul 1/3 des business plans soumis aux investisseurs sont lus,
  • moins de 1% de ceux qui soumettent un business plan à des investisseurs arriveront à lever des fonds,
  • plus personne  ne se fie aux prévisions financières d’un business plan qui sont considérées d’emblée comme erronées,
  • 75% des entrepreneurs ont modifié l’idée initiale décrite dans leur business plan en cours de route, il est donc rapidement obsolète,
  • le business plan n’a aucune influence sur la réussite du projet de création d’entreprise. Il y a autant d’entreprises ayant réussi sans business plan qu'avec.

J’ai eu envie de confronter mon expérience personnelle de créateur à ces 5 points.

Seul 1/3 des business plans soumis aux investisseurs sont lus.

Dans le cadre d’une récente recherche de fonds, force a été de constater que l’idée de lire un business plan de 50-60 pages ne séduit pas beaucoup d’investisseurs. Une note de synthèse sur 5 pages avec des graphiques fut le seul document vraiment exigé et servant de base pour une prise de décision afin d’aller de l’avant de la part de l’investisseur. Et même si cette décision était finalement positive, la demande de fournir un business plan de 20 pages maximum fut le leitmotiv des investisseurs. Malheureusement à force de couper dans le texte notre business plan a perdu de sa richesse, et au final il ne se résume plus qu’à une note de synthèse accompagnée de quelques chiffres clefs (projections des ventes, marge brut, Pertes et Profits et enfin plan de trésorerie). La demande de l’investisseur m’a paru un peu antinomique et peut être résumée ainsi : «Vous devez préparer un business plan mais ne me l’envoyez surtout pas car je n’ai pas le temps de lire. Faites-moi plutôt une synthèse en quelques pages !»

Moins de 1% de ceux qui soumettent un business plan à des investisseurs arriveront à lever des fonds.

Quelques chiffres issus de notre campagne d’appel de fonds:

  • Contacts: 39 investisseurs,
  • Réponses: 11,
  • Accord pour discussion: 2, soit un taux de succès de 5%.

En terme de coûts nous avons passé 25 jours à rédiger le business plan et une trentaine à le corriger et le mettre à jour ainsi qu'à suivre, relancer et tenter  de convaincre les investisseurs que notre projet peut les intéresser. Nous avons donc consacré au total près de 55 jours de travail non rémunéré pour 2 investisseurs intéressés. Si le créateur pouvait facturer aux investisseurs le temps passé à rédiger un business plan, je pense que plus d’un investisseur réfléchirait avant de le demander.

Plus personne ne se fie plus aux prévisions financières d’un business plan qui sont considérées d’emblée comme erronées.

Les chiffres doivent être bons mais pas trop! Si vous basez vos projections de vente sur l’acquisition raisonnable de 1% de part de marché du segment visé, vous ne serez pas considérés comme crédibles. Il vaut mieux opter pour un chiffrage raisonné et plus ou moins prouvé d’un nombre de client («je pense avoir 20 clients dans 1 an»). Je n’ai pas compris pourquoi du reste car les 2 approches sont aléatoires. En ce qui concerne les coûts, seuls certains peuvent être prévu correctement, les projections des ventes et des coûts variables sont quasi impossibles à prévoir sans un minimum d’historique (1 an). Donc les prévisions financières de notre business plan sont belles et biens aléatoires et imprévisibles. C’est plutôt l’impression générale que donnera le modèle d’affaire à générer des revenus profitables qui sera estimé par les investisseurs.

75% des entrepreneurs ont modifié l’idée initiale décrite dans leur business plan en cours de route.

Je ne compte plus les versions successives de notre business plan ! Ceci est notamment le cas lorsqu'on lance en partant de zéro une idée de création d’entreprise novatrice, pour laquelle il n’y a aucun référentiel existant. La confrontation aux réalités du terrain a forcément entraîné des modifications successives de notre modèle d’affaires que nous n’avons pas été en mesure de répercuter dans notre business plan original par manque de temps, ce document étant lourd et complexe à manipuler au quotidien. L’effort devant être fourni pour tenir à jour le business plan est trop important au regard des bénéfices perçus. J’ai donc rapidement laissé tomber et mon beau business plan est vite devenu obsolète. Ce n’est que lorsque nous avons décidé de faire un appel de fonds que je me suis relancé dans sa mise à jour.

Le business plan n’a aucune influence sur la réussite du projet de création d’entreprise.

En dehors de l’intérêt conceptuel et intellectuel indéniable à rédiger un business plan, il ne peut être en aucun cas le garant de la réussite de notre projet. Si la rédaction d’un business plan nous a effectivement aidé dans la compréhension global de ce que nous voulions faire, il ne nous a en revanche rien apporté quant à l'appréhension de la complexité du processus de création d’entreprise ou du développement d’affaires. En effet l’absence d’analyse des interactions entre les acteurs d’un segment de marché et le niveau parfois trop macro des informations fournies (étude de marché, note de synthèse sectorielle, ...) ne nous ont pas permis de maîtriser toute la complexité de ce que nous étions en train d’entreprendre. Sur le papier tout semblait parfait et tenir la route, mais une fois plongé dans la réalité, j’ai pu constater que les choses se passaient rarement comme prévues. Une lecture trop rigide du business plan risque de faire manquer des opportunités d’affaires peut être plus prometteuses qui pourraient surgir durant le processus de création.

Conclusion

En discutant avec d’autres créateurs, confrontés aux mêmes difficultés que moi, il m’a semblé finalement beaucoup plus opportun de réaliser cette exercice à la fin de la première année d’existence de mon entreprise. En effet, nous avons tous une bien meilleure connaissance de nos marchés respectifs, du comportement de nos clients, du niveau de vente que nous pouvions raisonnablement envisager, etc. Ces connaissances acquises, non pas en lisant une étude du Gartner group ou autre, mais à travers des visites de prospection, des projets menés, des échanges lors de salons ou déjeuners d’affaires (que j’appelle la confrontation à la réalité), sont nettement plus pertinentes.

Les points à retenir:
  • Focalisez vous sur "l'executive summary", la partie introductive de votre business plan, ainsi que sur les projections financières, et illustrez votre document de graphiques et schémas, ce sera bien plus parlant pour vos futurs lecteurs.
  • Ne passez du temps sur votre B.P. que si vous êtes en recherche de financement, l'exercice est très consommateur de temps!
  • Etablissez des prévisions financières "simples et réalistes" sans trop chercher à coller à un modèle de prévision quelconque.
  • N'hésitez pas à modifier en cours de route les principes décris dans votre B.P. si une opportunité se présente pour votre entreprise en cours de création.
  • Le plus important reste d'identifier comment et à qui vendre votre produit/service, le reste peut attendre. Passez donc du temps sur les phases d'analyse de marché, de synthèse sectorielle etc. plus que sur votre B.P.
Et vous, qu'avez-vous pensé de l'exercice de rédaction de votre business plan? Utile ou pas utile? Obligatoire ou facultatif?